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       Plutôt la vie
      
Más bien la vida     


Plutôt la vie que ces prismes sans épaisseur même si
les couleurs sont plus pures
Plutôt que cette heure toujours couverte que ces
terribles voitures de flammes froides
Que ces pierres blettes
Plutôt ce coeur à cran d'arrêt
Que cette mare aux murmures
Et que cette étoffe blanche qui chante à la fois dans
l'air et dans la terre
Que cette bénédiction nuptiale qui joint mon front à
celui de la vanité totale

                                  Plutôt la vie

Plutôt la vie avec ses draps conjuratoires
Ses cicatrices d'évasions
Plutôt la vie plutôt cette rosace sur ma tombe
La vie de la présence rien que de la présence
Où une voix dit Est-tu là où une autre répond Est-tu là
Je n'y suis guère hélas
Et pourtant quand nous ferions le jeu de ce que nous
faisons mourir


                                    Plutôt la vie


Plutôt la vie plutôt la vie Enfance vénérable
Le ruban qui part d'un fakir
Ressemble à la glissière du monde
Le soleil a beau n'être qu'une épave
Pour peu que le corps de la femme lui ressemble
Tu songes en contemplant la trajectoire tout du long
Ou seulement en fermant les yeux sur l'orage adorable
qui a nom ta main


                                    Plutôt la vie

 
Plutôt la vie avec ses salons d'attente
Lorsqu'on sait qu'on ne sera jamais introduit
Plutôt la vie que ces établissements thermaux
Où le service est fait par des colliers
Plutôt la vie défavorable et longue
Quand les livres se refermeraient ici sur des rayons
moins doux
Et quand là-bas il ferait mieux que meilleur il ferait
libre oui


                                    Plutôt la vie

 
Plutôt la vie comme fond de dédain
À cette tête suffisamment belle
Comme l'antidote de cette perfection qu'elle appelle et
qu'elle craint
La vie le fard de Dieu
La vie comme un passeport vierge
Une petite ville comme Pont-à-Mousson
Et comme tout s'est déjà dit


                                    Plutôt la vie.


André Breton


                      en "Claire de Terre", Éditions Gallimard, 1966




      Más bien la vida


Más bien la vida que esos prismas sin espesor aun si
los colores son mas vivos
Más bien que esa hora siempre cubierta que esos terribles
coches de llamas frías
Que esas piedras bledos
Más bien este corazón con el freno puesto
Que estas charca con murmullos
Y que esta tela blanca que canta a la vez en el aire y
en la tierra
Que esta bendición nupcial que une mi frente a la de la
vanidad total

      Más bien la vida

Más bien la vida con sus sábanas conjuratorias
Sus cicatrices de evasiones
Más bien la vida más bien este rosetón en mi tumba
La vida de la presencia nada más  que de la presencia
Donde una voz dice ¿Estás ahí? donde otra voz responde
¿Estás ahí?
No estoy alli ni por desgracia
Y sin embargo aun cuando hiciésemos el juego de lo que
hacemos morir

      Más bien la vida

 
Más bien la vida más bien la vida Infancia venerable
La cinta que sale de un fakir
Se parece a la corredera del mundo
Bien puede el sol no ser más que un despojo
Por poco que el cuerpo de la mujer se le parezca
Sueñas contemplando la trayectoria a todo lo largo
O sólo cerrando los ojos sobre la tormenta adorable que
se llama tu mano

      Más bien la vida

 
Más bien la vida con sus salones de espera
Cuando sabe uno que no será nunca introducido
Más bien la vida con esos establecimientos termales
Donde el servicio se hace por medio de collares
Más bien la vida desfavorable y larga
Aun cuando los libros se cerrasen aquí sobre rayos
menos dulces
Y aun cuando allá hiciese un tiempo mejor que mejor
hiciese libre sí


      Más bien la vida

 
Más bien la vida como fondo de desdén
A esa cabeza insuficientemente bella
Como el antídoto de esa perfección que ella reclama y
teme
La vida el afeite de Dios
La vida como un pasaporte virgen
Una pequeña ciudad como Pont-á-Mousson
Y como todo está ya dicho

     Más bien la vida.


André Breton


        en "Claire de Terre", Ediciones Gallimard, 1966